Mon enfance

 

 

 

Sur la pente de la montagne qui enferme une des vallées de Biscaye, s’élèvent quatre petites maisons blanches, pareilles à quatre colombes, cachées dans un bois de noyers et de châtaigniers ; quatre maisons qu’on ne découvre de loin qu’après que l’automne a dépouillé les arbres de leurs feuilles ; c’est là que j’ai passé les quinze premières années de ma vie.

Au fond de la vallée est une église dont le clocher perce la voûte de feuillage et se dresse avec majesté au-dessus des noyers et des frênes, sans doute pour faire voir comment la voix de Dieu s’élève au-dessus de la nature. Dans cette église on dit deux messes le dimanche, l’une au soleil levant, l’autre deux heures après qu’il est levé.

Nous autres, les jeunes garçons, nous nous levions avec le chant des oiseaux pour descendre à la première messe, en fredonnant et sautant par les halliers touffus. Les vieux descendaient ensuite à la messe chantée. Pendant que nos pères et grands-pères étaient à l’entendre, j’allais m’asseoir sous quelques cerisiers qui faisaient face à la maison de mes parents, et d’où l’on découvre toute la vallée qui se termine à la mer 1.

 

 

Antonio de TRUEBA.

 

Paru dans Les maîtres de la littérature étrangère et chrétienne au XIXe siècle,

par un ancien professeur de rhétorique, Casterman, s. d.

 

 

 

 

 



1  On a ici un exemple frappant de la difficulté qu’il y a de juger des beautés de l’original par une traduction, surtout lorsqu’il s’agit de poésie. Ce détail des jeunes gens qui vont à la première messe tandis que les vieillards vont à la seconde paraît être de la dernière vulgarité ; et pourtant dans la chanson de Trueba, c’est d’une grâce exquise.

 

 

 

 

 

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