La naissance des étoiles

 

 

À LOUIS DE LA VALLÉE            

 

 

LORSQUE de ses mains pleines de rayonnements Dieu eut fait l’homme, cette force, et la femme, cette grâce, il marcha calme et lent dans sa majesté sereine, vers le tertre moussu et fleuri qui dominait le merveilleux jardin.

Les roses, ces rivales d’Ève, s’épanouissaient au passage du Maître, exhalant leur âme de parfums, en un encens mystique. Les marguerites d’or et d’hermine tendaient vers lui leurs grâces alanguies, tandis que se mirait dans les tapis de violettes l’azur du ciel. Les papillons mettaient une joie claire au-dessus des fleurs, et les théories harmonieuses d’oiseaux disaient la gloire du Créateur. Un lion au poil roux où se jouait la clarté s’agenouilla. Un tigre frôla en frémissant d’orgueil la robe lyliale du travailleur divin.

Ainsi Dieu parvint à l’endroit le plus élevé du paradisiaque jardin, et là, s’étant assis, il contempla la terre baignée dans une fanfare triomphale de lumière, par la gloire ardente du soleil.

Le Maître, d’un regard doux et profond, embrassa la création, et le vivant bouquet de son œuvre lui apparut tel en ce moment d’apaisement, que se mouillèrent attendris ses yeux royaux.

Alors, en un soudain volettement d’ailes laiteuses, apparurent devant lui deux anges. Aux mains chacun, un pétale de lys. Avec des gestes exquis de grâces amoureuses, lentement ils recueillirent les pleurs, ces diamants éclos de paupières divines, sur la pâle enveloppe de la fleur neigeuse, puis, dans un bruissement doux comme un lointain accord, ils s’envolèrent vers la nue.

Or, pendant qu’ils traversaient les espaces infinis, monta de la terre une brise embaumée qui fit envoler les larmes en gouttelettes d’argent par la blondeur des lumières. Et elles allèrent si haut, si haut, qu’elles atteignirent les voûtes du ciel où elles s’attachèrent, devenues multitude.

La nuit vint, drapée dans son manteau sombre, et, ô merveille ! s’allumèrent là-haut, vibrantes flammes d’or, les larmes de Dieu transformées en étoiles !

 

 

Georges VIRRÈS.

 

Paru dans Durendal en 1894.

 

 

 

 

 

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